Par Renée Valet-Huguet
Confrontés aux secousses violentes du monde le festival Les femmes s’exposent et ses photographes tiennent tête. Nous rendent compte. Des expositions qui découvrent les troubles, la métamorphose, nous poussant à réfléchir. Le réel peut être une magie. C’est à Houlgate, en Normandie, du 8 juin au 4 septembre 2022. Cinquième édition. Quatorze expositions, en plein air et, en pleine gratuité

En juin 2020 notre article sur le festival Les femmes s’exposent, consacré aux femmes photographes professionnelles, avait déclenché un accrochage. Un photographe, boomer, s’était irrité de la création d’un tel festival. « Femmes photographes », femmes mises à l’écart ? Dans ma biblio je trouve Diane Arbus, Vivian Maier, Miller, Sherman ou Bourke White… Mais il est vrai que pendant longtemps, les hommes faisaient les photos et pas les femmes…. Donc cette expo n’existe que sur cette stupide opposition homme-femme qui est aussi con que le communautarisme ! »
Nous lui avions rappelé que la vocation du festival, selon sa fondatrice, Béatrice Tupin, était de rendre visible les travaux des femmes photographes, et non pas en opposition aux hommes.
L’ancien journaliste cinéma au Progrès, François Cohendy avait répliqué à l’énervé, « Ne fais pas le naïf, tu sais très bien que beaucoup d’expressions artistiques (musique, peinture, cinéma, etc.) ont été et souvent demeurent difficiles d’accès pour les femmes. Aussi je trouve d’emblée intéressante cette exposition. »
Rappel qui en dit long : moins d’un quart des photographes des grandes agences sont des femmes. Elles gagnent moins bien leur vie que leurs confrères. Et leur est réservée seulement 25% de la programmation des événements photographiques.
Les femmes photographes professionnelles connaissent la chanson. Simplement elles poursuivent. Photographient.

Sous le signe de la résilience
La résilience, cette sorte de ressort face aux mauvais coups de la vie, baigne cette cinquième édition. Des expositions qui invitent à lâcher prise devant l’époque chahutée. Également, focus sur le Liban, état du Proche-Orient marqué par trop de guerres, mais fort de son effervescence culturelle. Houlgate accueille les œuvres de quatre photographes libanaises.
Et puis, inhérente au festival, l’obsession d’unir réflexion et esthétisme à travers des sujets très divers.
Ieva Saudargaitė Douaihi. Houl3000 ou horizon 2100

La Normandie, ses villes côtières, des proies pour le dérèglement climatique. La mer s’élèvera, et, selon le choix du comportement de l’espèce humaine, la vitesse et la hauteur de la montée des eaux (jusqu’à 1,8 mètre dans soixante-dix ans) pourraient être chose réelle. L’artiste Ieva Saudargaitė Douaihi, lituano-libanaise, trace deux scénarios. Dans l’un l’urgence d’agir, mondialement, l’autre imagine un futur où des « organismes » qui se sont adaptés vivent parmi nous. Appel à une réflexion sur les mesures d’atténuation les mieux adaptées. Série déroutante.
Exposition Plage

Rima Maroun. Prise de terre

Pandémie de Covid 19. Pour l’artiste Rima Maroun c’est la fin du monde connu, l’arrivée d’une nouvelle ère. Confinement. Incertitude. L’endroit qui sécurise l’artiste : l’extérieur. Se « connecter à la terre ». D’abord elle s’allonge sur le sol d’une piscine vide où la série prendra naissance. Puis errance dans des lieux vides d’êtres humains, ceux-là restant cloîtrés. Soudainement l’explosion au port de Beyrouth. « J’ai terminé la série avec des clichés de ma ville, m’accrochant à tout ce qu’il en restait. »
Exposition Rue Armengaud

Anaïs Boudot. Les oubliées

Quand l’artiste Anaïs Boudot dialogue avec Picasso, Brassaï, autour de portraits sur plaques de verres. En ressort une série expérimentale tirée d’une collection personnelle de portraits féminins sur verre, contemporains des deux artistes. « Je suis intervenue à même la gélatine sur les représentations de ces femmes anonymes et oubliées. » Et, à force de fréquenter Picasso : « mon regard s’est transformé. Je me suis demandé ou était Dora Maar ; où étaient toutes les autres, qui, visibles comme muses, modèles et compagnes, ont été mises à l’écart en tant qu’artistes. « Les oubliées ». Une soudaine mise en lumière. « Le geste initial des déchirures et grattages s’est peu à peu transformé en acte de réparation. »
Exposition Plage

est indéniable sur l’œuvre de Picasso qu’elle rencontre
en 1936. Le peintre, violent envers elle, la quitte en 1943.
Elle finit seule et dépressive.
14 expositions en extérieur dont
1 résidence
2 prix 1 bourse pour soutenir
des travaux sur des thèmes variés
3 projets pédagogiques, retracés sous forme d’expositions ou de projections
Le week-end d’ouverture en présence des photographes est programmé du 10 au 12 juin prochain, avec des visites, projections et débats.

Parmi les projets pédagogiques l’un d’eux a laissé des traces dans notre esprit : « ENFERmées ». Atelier mené par la photographe Axelle de Russé à la maison d’arrêt de Rouen avec des femmes détenues. Un souhait : réconcilier ces femmes avec elles-mêmes. Leur manque de confiance en elles a frappé la photographe. Elles se voient « dérisoires, négligeables, inexistantes. » Enfin au fur et à mesure elles se sentent, face à l’objectif, regardées autrement. Et fuient, un temps, leur enfermement.
Correctrice/Relectrice : Elsa de Breyne
Photo de couverture : Marion Esquerré – Juliette Pavy
Elles poursuivent et elles ont bien raison, d’autant que l’expo n’est en aucun cas un effet de mode qui se démoderait vite. Vive Elles, et vive la très observatrice Renée.
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Merci François ! Je crois que les évènements, de plus en plus stupéfiants, qui recouvrent le monde donnent à ces femmes photographes des sujets, qu’elles traitent avec leur regard nuancé.
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Coucou Darling
Je déteste le sexisme qui qu’en soit l’objet. J’ai étudié pendant 8 ans l’histoire des arts, de l’archéologie et des civilisations. Forclos je suis parti ensuite en quête d’art contemporain et de photos, toutes choses que l’on ne m’a jamais enseignées. J’y ressent un immense plaisir car je suis libre de tous plaisirs. Le ressenti est pur bonheur. Aussi je ne veux lire aucun cartel, ne veut connaître aucun élément biographique et enfin ne pas connaître le sexe de l’artiste, fut il transgenre !
Toutefois pour l’anecdote, lorsque je vivais à Londres j’ai visité par hasard une expo au V&A. Il s’agissait de Diane Arbus. Je fus tellement bouleversé que je suis sorti abandonnant mes amis… Pour revenir seul le lendemain et pleurer tout mon saoul. J’ai également mis du temps avant de savoir qui était Cindy Shermant ou Saul Leitner…
Femmes je vous aime… Et les hommes aussi !!!
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Merci cher Yvon pour tes commentaires conformes à ta personnalité. Cash ! Je retrouve bien là ton extrême sensibilité, lorsque tu contes l’anecdote de l’exposition au V&A. Il est vrai que, à observer les visiteurs d’une exposition de photos, on peut deviner ce qui les traverse. Confidence pour confidence, je préfère être seule pour parcourir une exposition de photos.
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Ou accompagné d’une belle Lyonnaise 😍
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Je suis flattée ! Mais on pourrait faire ça, un jour ! Je suis certaine qu’on ne se gênerait pas
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J’AI LU ET NE PEUX RETROUVER L’ARTICLE, LE NOMBRE DE FEMMES, ET SOUVENT NUES , SUR LES TABLEAUX ACCROCHÉS DANS LES MUSÉES EST FARAMINEUX……. LE NOMBRE DE FEMMES PEINTRES EXPOSÉES EST ……
ELLES ARRIVENT…….
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Réflexion très intéressante. Merci Pierre-Claude de ce commentaire qui donne à réfléchir
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Merci chère Renée pour cet article. Enfin, petit à petit, les femmes artistes, scientifiques, expertes, etc, sortent du désert où on les avait oubliées, ou plutôt, ignorées …
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Oui ! Sylvie, enfin… Et en même temps on reprend à toutes les femmes, outre atlantique le droit à l’avortement… Un pas en avnat un pas en arrière. Merci de vos paroles.
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