Par Renée Valet-Huguet
L’informatique se croit fort. Il l’est. N’empêche que du côté de l’écriture, un instrument prévaut : le stylo. Pas si rapide ? Peut-être ! Mais posé, réfléchi, l’élégance en somme. Démonstration

La dangerosité du clic!
« J’ai été balayée d’un clic. », témoigne Élodie, la quarantaine.
Ce qui s’appelle moderniser la rupture ! Sans que ce soit un mode d’action généralisé. « Moi, pour rompre, j’écrirai. », s’exclame Louise, une jeune fille, que nous interrogeons sur le sujet ; Harold, lui, semble indécis, ne souffle mot.
Un souvenir alors remonte, ces lettres écrites à l’encre d’un amour fou. Ou lettres d’adieu. Mots souvent longuement mûris, du papier froissé jonchant la table. Dans la chaleur de cette réminiscence jaillit notre opinion : « C’était tout de même plus romantique, et les adieux certainement plus mesurés. »
« On écrit dans l’émotion, un clic et c’est parti ! », sourit Louise. Alors nous nous faisons l’écho de la plainte exprimée par le philosophe Alain Finkielkraut, lors de son émission Répliques (France Culture), à propos du courrier contestataire qui lui arrive. Auparavant des mots furieux ponctuaient les lettres, cela semble aujourd’hui des riens en comparaison des ordureries tapées sur le clavier.
Et puis nous rapportons le regret qu’avait formulé le réalisateur et écrivain Christophe Honoré, cinquante ans, au micro d’Olivia Gesbert (La grande table, France Culture) : « Le moment d’aller chercher le courrier. »
Harold hoche la tête. « D’accord je ne m’en sers pas, mais j’offre à ma mère un beau stylo. »
Se distinguer
Les jeunes achètent un stylo plume comme un sac de marque, nous indique Stéphanie Benaud, propriétaire et directrice de la boutique Aux Trois Archers, à Lyon. « Le stylo s’offre aussi, notamment pour une remise de diplôme. »
C’est quand pointe l’embourgeoisement que vient aux jeunes le goût de la belle écriture. Utiliser cet objet noble, sans âge, universel, indétrônable. Un luxe intime : l’ustensile précieux s’adapte à la main qui le manie, mais du temps est nécessaire pour le sentir sien. Exclusivement sien.
Nous, c’est dans la tourmente du confinement que nous avons privilégié la vraie écriture, l’ordinateur nous apparaissant soudain comme une indispensable mais piètre doublure. Charger d’encre le stylo, tracer des mots sur un journal intime qu’on entame, l’imperceptible bruit du frottement sur le papier ; ces choses de l’enfance. Et puis le plaisir du temps long.
Mais elle court, elle court la jeunesse !
Aux Trois Archers, une institution lyonnaise
« Maintenant on écrit moins, mais mieux », déclare Stéphanie Benaud, elle qui approfondit le désir du chercheur d’instrument d’écriture. Puis elle guide. Le choix du modèle, de sa plume est chose délicate, l’encre aussi. Moment presque solennel, qui s’apparente à l’achat d’un bijou.
Nous, nous en pinçons pour les stylos à décor, sans dénier l’aura qui entoure le Montblanc, ou l’élégance d’un Caran D’Ache, mais les 7 collections de la Maison nippone Namiki ont imprimé en nous un rayon enchanteur. Des oeuvres d’art, enrobées d’une laque étonnante.


L’écrin des Archers
Une étrangeté. Aux confins de la boutique, dans des niches individuelles, les pièces fantastiques que Stéphanie Benaud a réunies ; pièces d’écriture du monde, issues des plus grandes maisons. Nous ne sommes pas collectionneuses, juste amatrices de Haute Écriture, mais nous étions clouées. Le stylo, apanage des hommes ? Ta, ta, ta !




Le Stylo à plume s’inspire de l’exceptionnel équipement des chevaliers. Photo Aux Trois Archers

Cette nouvelle Edition Limitée est née de la rencontre rêvée de deux personnalités exceptionnelles du XIXème siècle. Le premier, Simon Tissot-Dupont, inventa en 1872 l’Art du Voyage. Le second, Jules Verne eut la prescience des voyages interplanétaires. Photo Aux Trois Archers
Et si le coeur battant de la boutique est bel et bien le stylo, la maroquinerie se déploie. Notre faible, c’est le tressé main de la Maison Serapian (Milan), nous avons vu un de ses artisans à l’oeuvre. Caprice à volonté : on peut combiner nos couleurs.






Le stylo de notre entrée en classe de sixième, vieux, mais vaillant !

Correctrice/Relectrice : Elsa de Breyne
Photo de couverture : Pixabay
Les stylos sont absolument superbes. Je suis très sensible aux stylos, mais je ne les utilise plus.lorsque je travaillais, j’avais toujours mon stylo à plume accroche dans ma poche intérieure de veste.
Je me souviens de ce magasin dont tu nous parles.
Bonne soirée et mucho bisous ! 🍁🍂😘❤️🌹
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Merci cher Régis! C’est vrai, certains accrochent leur stylo à plume dans une poche intérieure. Je continue d’écrire des vraies lettres, aussi j’ai le plaisir d’utiliser mon stylo plume, surtout j’aime l’encre. Bleu des mers du Sud. Je l’utilise depuis une quarantaine d’années, et parfois on me dit : « lorsque j’ouvre la boite aux lettres, j’aperçois la couleur de l’encre et je sais que c’est toi. » J’aime les objets délaissés. Je t’embrasse!
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Somptueux stylos, Montblanc, Caran d’Ache, Namiki … qui font rêver. Hommages à Henri E Steinway (j’ai passé une dizaine d’années à étudier le piano justement sur un Steinway &Sons), Louis II de Bavière, aux chevaliers du Moyen Âge, on rêve encore plus … Et tout à coup, je me souviens de mon premier stylo en 6ème ! Comme j’étais fière, persuadée que ce stylo me permettrait d’avoir une belle écriture … en vain … Merci pour cet article qui nous montre une certaine beauté des choses et de la création artistique.
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Merci Sylvie! J’étais certaine que vous seriez touchée par la beauté de ces pièces. J’ai appris que le stylo à plume figure toujours dans la liste des « entrants » en sixième, mais son usage n’est pas obligatoire, autant dire que le stylo git doucement dans un coin…
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» J’ai écrit pour me parcourir » Michaux—- » La vie ne vaut que transfigurée en livre » M. Onfray
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Choix judicieux de citations. Merci!
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