Par Renée Valet-Huguet
Longtemps irréconciliables, le dandysme et la mode démocratique semblent avoir trouvé un arrangement. D’un côté une caste des plus hautaines, exigeantes, figées dans le beau et l’inutile, de l’autre un univers un peu plat, aujourd’hui marqué de décontraction. Des êtres mixent, sans couac, les qualités des deux parties. Certains se veulent pur jus. Démonstration
Dandy. Le mot tinte gaiement. Et pourtant. « Le dandysme qui est une institution en dehors des lois a des lois rigoureuses auxquelles sont strictement soumis tous ses sujets, quelles que soient d’ailleurs la fougue et l’indépendance de leur caractère. », écrivait Charles Baudelaire.
Le dandy, qui vient d’Angleterre, est un vieux. Vers 1800. Orgueilleux de son illustre descendance. Le comte d’Orsay, Barbey d’Aurevilly, Oscar Wilde, Baudelaire ou Robert de Montesquiou. Lesquels selon Baudelaire, « n’avaient pas d’autre profession que l’élégance. » Et qui se distinguaient de l’excentricité, car ils « jouaient avec la règle » mais la respectaient encore.
La descendance a essaimé. Simplement le dandy actuel ne se réclame de rien, ce sont les autres qui lui collent cette étiquette ; parce qu’il crée sa propre élégance, cherchant peut-être à étonner.
Dandy à l’état pur
Se distinguer des autres. « Ne pas être eux », souffle Quentin Martinez, sans dédain. 23 ans. Il se vêt selon son humeur. Ne mixant que des pièces d’époques éloignées. Depuis ses quinze ans. Sa vocation : la conservation des habits anciens. Sa jeunesse se passe dans un intérieur fin du second empire, où dominent les portraits de l’impératrice Eugénie, sa folle passion.
Aucun jour du confinement n’aura surpris Quentin dans un vêtement mou, informe. « Je m’habillais. Chaussais mes derbies. » Il trouve ses jabots, et autres raretés chez Emmaüs ou Vinted. « On vous regarde dehors ? » « Surtout à l’opéra, j’y vais en queue de pie et cape. Parfois des gens m’arrêtent. » « Mais alors, qu’achetez-vous de notre époque ? » « De la nourriture. »
Dandy mutant
Seul le Vintage assouvit sa douce nostalgie, son « goût des choses bien faites, des choses perdues. » Les vestes par exemple, « au cintrage bien placé. Les bases. » Le terme trahit la profession : créateur. Franck Meunier. 43 ans. Toqué de couleurs, s’il poursuit, pour ses clientes, sa quête d’étoffes chamarrées, lui-même goûte depuis un an au confort des créations de couturiers japonais, années 80. Surtout les vestes, combinées à des baskets. Derrière lui la folie douce des looks années 70.
Reste intacte sa fidélité à l’univers Napoléon III, dans lequel ce fils d’antiquaire évolue.
Franck, mentor de son jeune apprenti venu droit de Côte d’Ivoire, Moussa Fanny, 17 ans, la mode dans les globules.
Dandy ludique
« Le besoin ardent de se faire une originalité », disait Beaudelaire. Besoin vital pour Yvon Mear. 63 ans. Consultant industrie du luxe. Nous avons détecté en lui cette trace du dandysme baudelairien : une rébellion contre les codes vestimentaires imposés par la tradition et l’histoire. Ce goût farouche d’être différent. « Depuis l’adolescence. Pour me masquer. Comme une protection. »
L’habillement comme jeu. Surprendre. Amuser les autres. Exigeant quant au choix des belles matières, l’harmonie des couleurs, il jubile de mélanger des choses qui n’ont, pour certains, rien à faire ensemble. Sans rien lâcher sur le confort. « Je voyageais habillé de la maille du créateur Yamamoto. » S’habiller en faisant preuve de jugeote. « Porter dans certaines soirées, un vêtement qui peut se poser facilement sur un bras. Chaque situation requiert une tenue. »
S’il accepte qu’on l’étiquette dandy, Yvon Mear rejette cette part du dandysme qu’il appelle le dandysme sociétal : le dédain. Oscar Wilde a parfaitement résumé la philosophie de ce courant : « Aucun crime n’est vulgaire, mais la vulgarité est un crime. La vulgarité, c’est ce que font les autres. »
Nouveaux dandys selon certains, les rappeurs Jay-Z, Kanye West se permettent tous les mix.
« L’élégance comme religion »
« Aspirer à être sublime sans interruption », (Charles Baudelaire) le principe des sapeurs congolais, éternels dandys.
D’aucunes, d’aucuns pourraient nous reprocher de réserver aux hommes le dandysme. « Le dandysme et la femme ne sont pas antinomiques » selon Christophe Alister, auteur du livre « La femme est une dandy comme les autres » (ed. Pauvert)
Nous nous proposons d’aller prochainement du côté du dandysme au féminin.
Photo de couverture Dandy Wellington https://www.dandywellington.com
Très judicieux d’avoir séparé le détestable (car méprisant) dédain du ludique dandysme. Un ami m’a récemment surnommé Cohendandy, ça m’a réjoui (sans évidemment que j’en fasse une religion, puisque je suis athée!), la frivolité nous sauve de beaucoup de choses…
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Merci François. Cohendandy, ça sonne bien! Tu avoueras qu’ils étaient franchement méprisants les dandys originels.
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Excellent, cela fait envie. Je me souviens d’un gars à Londres qui avait tout d’un dandy, y compris le ara posé sur son épaule.
Bises
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Merci cher Régis. Je savais que tu aimerais ces photos. Je pense que le dandysme ne s’éteindra pas, simplement il y aura derrière une autre philosophie.
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Vivement la suite pour les dames !
Belle journée, ma chère Renée. 😘
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Ah! les dames! Il faudra une somme de documentations et avis de gens avisés. Il y a à ce sujet belle controverse! Je risque de me mettre mes copines féministes sur le poil. C’est le jeu. Bonne journée mon cher Régis. Pourras-tu voir ton fils aisément?
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Non hélas. L’attente est de rigueur. Nous attendrons les prochaines vacances…
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Courage
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Merci Renée de ce super article si bien illustré et écrit.
En ce moment en particulier , pour soulager notre esprit, on a besoin de beauté, de culture et de style
C’est tout l’art de l’élégance,
Merci infiniment à vous
Moussa.
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Merci pour ces jolis mots qui me touchent beaucoup.
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Merci Moussa pour ces jolis mots qui me touchent beaucoup. À bientôt. Sincèrement à toi.
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Renée,
J’ai en préparation un article sur la « sapologie » 😉
Cela nous fait un bel intérêt commun.
J’aime le dandysme, et j’adule le roi des dandys… Mon Oscar
Ton article est enivrant, original et plein de générosité, je sens que tu es très sensible à cet art de vivre et cela m’apporte beaucoup de bonheur !!!
La sape, le dandysme, c’est effectivement de la culture, de l’art, de l’art d’être soi-même…
je t’embrasse très très fort et te remercie de m’avoir attirée jusqu’à toi ce soir !!
Des bisous
Corinne
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Comme je suis contente que tu aies aimé l’article. Oui, le dandysme me fascine. Le vêtement a toujours été pour moi le moyen de m’affirmer. Étant métisse, (franco guinéenne) pour désamorcer le racisme j’ai inconsciemment choisi l’élégance : on se moque pas de l’élégance. Formidable que tu sois sensible à cet « art », et que tu prépares un article sur les sapeurs. Je les connais bien, je suis allée à Château Rouge pour rencontrer Jocelyn dans son incroyable boutique « Connivence » ; auparavant j’avais assisté à un colloque sur la sapologie où j’avais écouté avec passion sociologues et autres professionnels. Et puis, j’étais en charge du Grand Prix du Livre de Mode, (pour l’université de la mode) et une année, c’est un livre sur les sapeurs qui avait obtenu le prix. Le couturier Paul Smith avait habillé lors d’une collection, ses mannequins en sapeurs, leur colorant le visage. Je dispose d’une photo me semble-t-il. Vivement que tu aies fait l’article! Bisous. Renée
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Mais en plus d’être passionnée, tu es une spécialiste !
Je n’ai pas ta culture de la sape, mais depuis que je suis ado je suis ce phénomène.
J’avais vu un reportage il y a longtemps sur les sapeurs en Belgique, sur un collectif d’élégants hyper créatifs, des sapeurs d’origine congolaise.
Le dandysme est un geste d’affirmation de sa propre singularité.
Je suis très heureuse de nos échanges !!
Je te félicite pour la carte de l’élégance. L’élégance fait taire l’adversité, elle intrigue, elle inspire immanquablement le respect 😉
Et puis quoi de plus agréable ? !!!
je t’embrasse Renée, à bientôt😚
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Spécialiste est un bien grand mot! je suis une autodidacte qui suit certaines choses de près, dont la mode. Une dilettante en somme! À l’université de la mode (Lyon) je fais des interventions ou bien projets avec des étudiantes. Et puis oui, le Grand Prix du Livre de Mode qui est un gros bazar, puisque nous organisons à Lyon, des tables rondes avec les auteurs dont les ouvrages ont été sélectionnés. Ce qui me plait dans la sape, c’est leur philosophie. Ce sont les guerres tribales qui ont donné envie à certains de « mettre de la couleur sur la merde. » Dans les années 50 le phénomène a commencé. Et c’est formidable de voir ces photos où l’on voit les ruelles de poussière, la précarité du logement, et… un gars habillé comme personne. Les filles s’y mettent. À bientôt Corinne, bisous.
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Les filles s’y mettent … mais que c’est chouette !!
Des bisous Renée 🕊
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hello Renée – j’ai des soucis d’ordinateur et de serveur depuis plusieurs mois et je viens d’avoir un laptop prêté par mon fils – j’espère que vous allez bien – j’adore toujours vos articles – Martha
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Oh! quel plaisir, Martha. Merci de vos nouvelles. Merci pour votre fidélité au blog. J’espère que les choses n’ont pas été rendues trop difficiles pour votre activité. Votre vitrine est toujours belle, les nouveautés de cabas sont élégantes. À bientôt.
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