Par Renée Valet-Huguet
Vingt-cinq ans après le choc cinématographique et sociétal, La Haine revient au cinéma dans une version restaurée 4K. Le film a pris, selon Mathieu Kassovitz son réalisateur, un air de comédie. N’empêche, La Haine est un plat qui se mange aussi bien chaud que froid.


Film à scandale
Le film déboule au Festival de Cannes en 1995 et essuie un boycott : le service d’ordre tourne le dos à l’équipe, reprochant à La Haine de faire la satire de la police. Qu’importe, le film décrochera en 1996 le César du meilleur film français et une ribambelle de prix et nominations. Plus de deux millions d’entrées attesteront de l’importance du coup d’oeil, tout neuf, sur les jeunes des quartiers. Kassovitz s’inspire donc, pour son deuxième film, de l’affaire Makomé M’Bowolé, jeune zaïrois de 17 ans, dont la vie fut volée dans un commissariat parisien. Une balle dans la tête.
« Je me suis demandé comment le flic a pu en arriver à une telle haine, pour lui tirer une balle dans la tête alors qu’il ne pouvait rien faire, c’est évident. », explique Mathieu Kassovitz. « Le policier n’a certainement pas voulu tirer, mais il lui a fait peur, il a mis le flingue, il a armé le chien, et je me suis demandé comment le môme a réussi à le mettre dans une telle situation de haine. Il y a une telle haine dans les deux camps, qu’il faut au moins poser la question. Des armes, les flics en ont, et dans les cités ils en ont, mais pour l’instant les plus sages ce sont les mecs des cités parce qu’ils ne s’en servent pas encore. »
Le réalisateur décide d’un trio, Hubert, Saïd et Vinz, qui, à Paris, vont étirer une journée entière d’ennui mâtiné de révolte, après une nuit infernale. Nuit d’émeutes déclenchée par une bavure policière. Abdel, 16 ans, est plongé dans le coma. Les trois veulent venger Abdel.

La Haine trace sa route
Aujourd’hui résonne bizarrement cette réplique culte de La Haine : « L’important, c’est pas la chute. C’est l’atterrissage. » En vingt-cinq ans inéluctablement la société s’est effondrée, propageant une haine qui déjoue tous les espoirs. Un film, fort, mais moins bien fichu que La Haine en fait le constat, « Les Misérables » de Ladj Ly. La haine se transmet. Et personne n’a su la canaliser.
Le retour de La Haine au cinéma a enflammé l’émission Le Masque & la Plume. Xavier Leherpeur martèle : « Le film est terrible, tape-à-l’oeil et assez peu intéressant. »
Pour Éric Neuhoff, c’était « le bon vieux temps ». « Je regarde avec nostalgie les racailles qui portaient gentiment des casquettes de baseball à l’envers. »
Charlotte Lipinska, elle, avait le souvenir d’un film « extrêmement nerveux, bouillonnant, avec beaucoup de musique rap, et en fait pas du tout. J’avais oublié à quel point le film est extrêmement composé, avec un rythme syncopé très fort, avec des accélérations et de l’action ! »
Jérôme Garcin avoue son scepticisme à l’annonce d’une prochaine version de La Haine en comédie musicale. Nous de même.

À l’époque nous avions vu le film comme une actualité, du sérieux, du prémonitoire. Aujourd’hui les répliques des trois compères nous tirent des petits rires : une fable, si l’on se réfère à l’actualité…
Photo de couverture Senscritique.com
Renée, aussi juste en critique cinéma qu’en sociologue, je dis bravo, ça n’avait rien d’évident. Je suis sans doute plus mitigé envers le film, mais peut-être parce que je trouve Kassovitz pénible et assez suffisant. Mais ceci n’engage que moi!
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Venant de la part d’un critique de cinéma plus que rôdé, et talentueux, le commentaire me touche plus encore. Merci. Je connais ta réticence envers Kassovitz, laquelle peut se comprendre. Il restera néanmoins celui, qui, le premier s’est intéressé à une population que beaucoup veulent ignorer.
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