Par Renée Valet-Huguet

À quoi tient la réussite dans le domaine de l’art ? Parfois à presque rien, des bouts de ficelle, en vrai. Conte de Noël.
Ces échecs dont on sort fortifié
Partie un jour au salon Maison et Objet, temple de la décoration, Véronique de Soultrait y déploie une collection de coussins. Tous faits de cordelettes et fils noués : le macramé. Dessus, des décorateurs s’extasient. C’est tout. Elle rentre bredouille. Sonnée. Mais, forte d’une éducation où n’entre pas l’idée d’abandon, elle rassemble, à l’atelier, le peu de fournitures restantes : du noir, et de la ficelle. Enroule, entrecroise. Et porte aux mêmes décorateurs les échantillons. Les avis s’accordent : « On sent quelque chose de fort derrière ».
« On peut, avec peu », martèle celle qui deviendra l’inventrice d’une nouvelle technique d’artisanat : le tressage de fines cordes pour créer panneaux, paravents, têtes de lit, objets.
Avant la corde
Si elle n’a pas toujours creusé le même sillon, la créatrice affirme qu’il y a un fil conducteur interne dans sa création. Depuis le début, la même recherche graphique .
Les Beaux-Arts et le dessin l’ont amenée au décor peint, les motifs l’ont amenée au crochet, lequel a passé le relais au macramé, et le macramé à la corde. On lui rappelle notre penchant pour sa délicate collection de linge de maison, bâtie à partir de couvre-lits anciens, au crochet. Dans un sourire au charme indéfinissable, elle opine, mais elle restera sur la corde…. Cette corde qui vient de Haute-Loire.
Les mystères de l’atelier
La corde, ça évoque le rugueux, sa présence domine à l’atelier, et c’est le raffinement qui apparaît. Le beige de la corde naturelle rehaussé de fils d’or, cette lumière dans la corde noire d’un panneau, on s’écrie : « Mais c’est du Soulages ! ». Véronique de Soultrait, pourtant, fait ses petites sauces à elle : matières naturelles, brutes, simples, même pauvres, ces choses qui sont le moins artificielles possibles, les plus vertueuses, c’est une éthique, et leur transformation en un produit fini luxueux reste son affaire. Une sorte de stratagème. Auquel elle se livre depuis toujours pour se vêtir. Mixer. « Le propre de la création ». Ses inspirations vont de l’art déco à l’esprit ethnique, l’abstraction géométrique, la nature. Et puis elle affectionne le cercle, « symbole de l’infini ». Toujours, des formes simples.


L’envol
Ses décors muraux ont conquis les plus grands décorateurs, qui les placent dans le monde entier. Du luxe, mais plus subtil, semble être le crédo de la créatrice. Encore ébahie de voir ses créations disséminées dans des palaces, des joailleries de luxe, ou demandées pour des projets exceptionnels. Elle, qui se déclare éloignée de ce mode de vie : « Je suis de l’Allier, et je suis attachée à des valeurs paysannes ». Gourmande de la vie, gourmande des objets, qu’elle traque et achète, la dame peut aussi bien suivre un mode de vie ascétique au niveau spirituel. Les délices du paradoxe.

Navarro Game Écaille bicolore

Dans l’atelier lyonnais, Véronique, Emilie et Florence se livrent chaque jour au rituel. L’encens, la musique, les lumières. Le travail en joie.
Photos de l’atelier : Serge Valet
Véronique de Soultrait n’a pas que du goût (ce qui limiterait son artisanat à de la décoration) mais aussi une imagination féconde, ce qui en fait une artiste créative. Merci à Renée de l’avoir mise en lumière.
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Oui, imagination débordante, et générosité…
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Et un humour ravageur!
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Grand merci cher François de votre bienveillance!
(Regrette nos petits clins d’oeil depuis que j’ai quitté FB…)
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Bonjour Renée, Comme un magnifique retour dans ma petite enfance lorsque mes parents émigrés espagnols, nous emmenaient tous les mois d’août dans le sud de l’Espagne, dans le Levante aux portes de l’Andalousie, voir le grand-père resté au pays. Je revois mon grand-père, les mains usées mais tellement habiles, agiles, graciles, en train de tisser les tapis en esparto, refaire les cordages de ces petites chaises basses, les habillages de jarres… je revois la terre séchée par le soleil aride, cette terre battue par le vent d’Afrique et le sable qui vole dans les rues du village.
Mon grand-père est installé devant la porte de la maison basse, bientôt le nouveau tapis remplacera celui du patio…Les couleurs de la corde, du chanvre, de l’esparto se confondent avec les camaïeux de la terre.
Les oeuvres de Véronique de Soultrait éclatent comme des soleils dans ma mémoire, elle magnifie tous ces objets du quotidien et leur donne un sens vrai, authentique, plein de poésie et de lumière. Merci Renée pour cette découverte. A bientôt. Isabelle
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Votre commentaire, écrit comme une petite nouvelle est touchant. Surgit d’un coup le soleil, les couleurs, l’homme à sa tâche, et nous amènent à penser que ces savoirs tendent à disparaître…Heureuse que le portrait de Véronique et son univers ait soulevé chez vous une torsade de souvenirs. Merci Isabelle.
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Bonjour Renée, Comme j’aime cette image »torsade de souvenirs » … c’est tout à fait juste ! Ces images qui s’enroulent comme les nattes de nos cheveux, tressés chaque jour par les mains de ma mère….
Belle journée à ID de Femme, Isabelle
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Oui, les tresses, que les femmes nouaient patiemment à leurs filles. Il me semble que seules les africaines continuent ce rituel, et puis, la petite Greta…tant moquée
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Veronique de Soultrait, une véritable artiste qui s ignore… une belle âme dans des doigts de fée, une sensibilité à fleur de peau, un cœur qui déborde de beauté… une rencontre qui reste gravée dans nos mémoires…
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Oui. Véritablement
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